Atelier philo: Peut-on réparer des blessures, notamment celles provoquées dans le passé?
Chaque année, au Canada, le 30 septembre est la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation (parfois appelée également «journée du chandail orange»). Cette journée est l’occasion de rendre hommage aux nations autochtones et en particulier aux survivants des pensionnats ainsi qu’à leurs familles et leurs disparus.
La commémoration publique de l’histoire tragique et douloureuse des pensionnats autochtones, et des «cicatrices» qu'elle laisse encore aujourd’hui, est un élément essentiel du processus de réconciliation collective. Cette journée peut donc être une occasion idéale pour soulever une question importante: peut-on réparer des blessures, notamment quand celles-ci ont été infligées dans le passé? En d’autres termes, sans un tel effort de «réparation», une société peut-elle réellement se réconcilier avec certains de ses membres?
Qu’il s’agisse de chicanes entre élèves à l’école, de disputes prenant place dans les familles ou, à plus grande échelle, de violences exercées à l’encontre de certaines minorités au sein de la société, il est important de s’interroger sur les ressources permettant de panser les plaies et de soigner les blessures occasionnées dans ce contexte. Il en va en effet de la possibilité de «faire société» ensemble et de pouvoir envisager un avenir commun qui ne soit pas trop «alourdi» par le poids de ces blessures. Même si ce n’est pas facile, il s’agit néanmoins d’une question fondamentale.
Aborder un tel sujet avec les élèves peut être une belle occasion de les faire réfléchir et dialoguer sur un sujet qui les concerne, à petite et grande échelle. En les invitant à réfléchir aux différents aspects de celui-ci, ils pourront alors mobiliser de précieuses compétences en matière de pensée critique: définir, nuancer, envisager les conséquences, identifier des présupposés ou encore envisager des alternatives. Ce faisant, ils pourront progressivement développer une citoyenneté qui est prête à aborder et à prendre à bras le corps des sujets certes sensibles, mais qui relèvent de leur identité individuelle et collective.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Consigne
Voici trois ressources que vous pourriez utiliser pour mettre en contexte vos élèves: Qu'est ce que c'est la Journée de la vérité et de la réconciliation?, C'est quoi, la doctrine de la découverte? et/ou Un costume d’Halloween peut-il être blessant? Demandez-leur ensuite de formuler, en petite équipe, une question philosophique sur ce sujet.
Les critères d’une telle question sont simples :
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule « bonne » réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
**Remarque importante: selon l’âge de vos élèves, vous pourrez décider d’aborder (ou pas) certaines questions. Certaines peuvent en effet être abordées dès la première année, tandis que d’autres nécessitent un peu plus de maturité.**
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question qui les concerne toutes et tous.
- Une blessure est-elle toujours visible?
- Y a-t-il différents types de blessures et certaines sont-elles plus «fortes» que d’autres?
- Quand on se chicane avec ses amis ou avec des membres de sa famille, est-ce que ça entraîne parfois des blessures?
- Pourquoi certaines blessures durent-elles plus longtemps que d’autres?
- Est-ce qu’on se rend toujours compte des blessures qu’on provoque chez les autres?
- Est-ce facile d’accepter qu’on a blessé quelqu’un?
- Est-ce facile d’accepter qu’on a été blessé par quelqu’un?
- Comment faire pour réparer des blessures qu’on a provoquées?
- Quel lien peut-on faire entre réparer des blessures qu’on a infligées à une personne et se réconcilier avec cette personne?
- Discriminer un groupe de personnes sur base de leur religion, de leur culture ou de leur race, est-ce que ça peut provoquer des blessures chez elles?
- Des blessures liées à des événements du passé peuvent-elles encore avoir des conséquences aujourd’hui?
- En tant que citoyen québécois et/ou canadien, a-t-on une responsabilité dans la réconciliation avec des personnes qui, dans notre histoire, ont été victimes de violence?
- Reconnaître que certaines personnes ont été victimes de violence dans notre histoire, est-ce un premier pas dans la réconciliation avec ces personnes?
- Se réconcilier, est-ce que ça nécessite parfois de faire des choses qui ne sont pas faciles?
- Discuter de sujets difficiles qui nous concernent tous collectivement, est-ce que c’est important?
- Peut-on apprendre à discuter ensemble de sujets difficiles?
Liens avec le programme Culture et citoyenneté québécoise
La question de la réconciliation s’inscrit pleinement dans un des axes importants du programme de CCQ. En effet, en explorant (au 1er cycle), examinant (au 2e cycle) et réfléchissant de façon critique (au 3e cycle) à des réalités culturelles, nous pourrons inscrire les élèves dans un horizon d’apprentissages favorisant la reconnaissance de soi et de l’autre et la poursuite du bien commun.
En outre, chaque niveau offre des éléments de contenus propices à traiter de cette question. Comme enseignant, vous devez vous assurer d’orienter l’atelier et les questions en fonction de l’élément de contenu désiré:
- En 3e année: différences et points communs entre les individus - inclusion et exclusion
- En 4e année: appartenance culturelle - influence du groupe
- En 5e année: Diversité sociale et culture partagée
- En 6e année: Droits et libertés - participation sociale
La philo: comment on fait?
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Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
Pour aller plus loin, voici consultez nos ressources vidéos «Faire de la philo avec les enfants» et «La philosophie comme moyen d'aborder les sujets sensibles».
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