Atelier philo: Les para-athlètes sont-ils des «superhéros» ou des personnes normales?
Les Jeux paralympiques viennent de prendre fin, et cela me paraît être une bonne occasion de réfléchir à une question qui a agité les athlètes, les para-athlètes et les journalistes pendant cet événement: faut-il considérer les para-athlètes comme des superhéros ou comme des gens normaux? J’en parlais d’ailleurs dans ce texte paru récemment.
À moins d’être soi-même handicapé ou d’avoir un proche qui l’est, nous sommes toutes et tous aux prises avec des sentiments parfois complexes par rapport au handicap. Pour nous ou pour nos élèves, quand nous ne sommes pas familiers avec cette réalité, il n’est pas toujours évident de savoir quoi faire face à ces personnes ni de savoir comment se comporter pour qu’elles soient pleinement intégrées à la société.
En d’autres termes, aborder cette question avec vos élèves peut être une belle occasion de réfléchir et de dialoguer avec eux autour des enjeux soulevés par cette question des normes, notamment celles liées au corps. Même s’il s’agit d’un sujet complexe - voire précisément pour cette raison - cela peut leur permettre d’étoffer, de nuancer et d’élargir leur vision de ce sujet qui les concerne déjà aujourd’hui, et les concernera aussi demain.
La citoyenneté renvoie notamment à la façon d’apprivoiser le «périmètre» de ce concept de norme, qui est au cœur du vivre-ensemble. En donnant du sens à cette notion, ils et elles pourront mieux l’appréhender et seront donc à même de se positionner par rapport aux normes qu’ils et elles rencontreront tout au long de leur vie. Mais aussi de mieux composer avec toutes les situations du quotidien (dont celles liées au handicap) dans lesquelles la norme est concernée, bousculée ou mise à l’épreuve.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Déroulement
Invitez vos élèves à lire l’article «Les para-athlètes sont-ils des «superhéros» ou des personnes normales?». Demandez-leur ensuite de formuler, en petite équipe, une question philosophique sur ce sujet.
Les critères d’une telle question sont simples :
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule « bonne » réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question qui les concerne toutes et tous.
- Être porteur d’un handicap, est-ce que ça signifie être «anormal» ?
- Un para-athlète est-il vraiment différent d’un athlète valide?
- Surmonter des obstacles, est-ce un «superpouvoir» ?
- Que signifie «être normal»?
- Quelle est la différence entre une règle et une norme?
- Quelle est la différence entre obéir à une norme et adhérer à une norme?
- Qui décide des normes en vigueur dans la société?
- Certaines normes entraînent-elles plus de pression que d’autres?
- Les normes sont-elles différentes d’une société à une autre?
- Les normes peuvent-elles évoluer?
- Comment faire évoluer une norme?
- Être perçu comme une personne différente quand on se sent comme une personne «comme une autre», est-ce forcément facile?
- Accepter les autres tels qu’ils sont, est-ce toujours facile?
- Qu’est-ce qui est le plus important : dépasser ses limites ou déplacer ses limites?
- Comment apprendre à mieux vivre dans un monde fait de normes?
La question du handicap renvoie rapidement à celle des normes et de la «normalité». Ces notions apparaissent en filigrane du programme de CCQ, notamment dans les thématiques Conscience de soi et construction identitaire ainsi que Relations entre humains.
Au 2e et au 3e cycle, la norme fait partie des concepts liés aux disciplines de référence. Comme l’indique le programme, les élèves apprennent à examiner les normes qui varient d’un groupe à l’autre et les influences exercées par le groupe, qui peuvent favoriser un sentiment d’appartenance et le dépassement de soi mais également mener à la soumission et au non-respect de soi et de ses limites.
Au 3e cycle, les élèves sont invités à s’appuyer sur les acquis des deux premiers cycles pour aborder le concept d’identité, qu’ils réinvestiront au début de leur cheminement au secondaire. Ils réfléchissent à ce qui structure l’identité en comprenant le lien entre la perception que les individus ont d’eux-mêmes et ce qui leur est transmis dans leurs différents milieux, notamment en matière de normes corporelles.
Voici les liens du programme CCQ:
En 1re année: Conscience de soi et construction identitaire - Connaissance de soi - Les besoins individuels et les besoins du corps
En 2e année: Conscience de soi et construction identitaire - Connaissance de soi -Les caractéristiques de chaque personne
En 3e année:
- Conscience de soi et construction identitaire - Perception de soi - Les désirs et les limites personnelles + les stéréotypes et la vision de soi
- Relations entre humains - Dynamiques de groupe - Différences et points communs entre les individus + Exclusion et inclusion.
En 4e année:
- Conscience de soi et construction identitaire - Perception de soi - Les forces et défis de chaque personne
En 5e année:
- Conscience de soi et construction identitaire - Identité - les dimensions de l’identité et les valeurs personnelles et collectives
- Relations entre humains - Vie collective - Diversité sociales et cultures partagée
En 6e année:
- Conscience de soi et construction identitaire - Identité - les différentes affiliations (image corporelle)
- Relations entre humains - Vie collective - Droits-et libertés + participation sociale.
La philo: comment on fait?
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Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
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