Atelier philo: Comment faire des choix audacieux, quand ceux-ci ne plaisent pas à tout le monde?
Comme le racontait dernièrement ma collègue Caroline, l'école primaire de Black Lake, en Beauce, s’est retrouvée au centre de l'actualité. Tout ça parce qu’elle avait prévu une journée costumée «gars en filles, filles en gars» le 17 mai. Par cette activité, l’école voulait offrir aux élèves une occasion de célébrer la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, qui avait lieu à cette date. Face aux réactions très négatives de plusieurs parents et internautes, l’école a néanmoins annulé l’activité. Cela m’amène à mettre en lumière une question importante que cette affaire soulève: Comment faire des choix audacieux, quand ceux-ci ne plaisent pas à tout le monde?
En effet, dans la société et à l’école, on observe aujourd’hui une polarisation de plus en plus fréquente, lorsque certaines thématiques sensibles sont abordées. Les questions liées aux identités de genre, à la transidentité ou à l’orientation sexuelle, notamment, provoquent souvent des réactions vives de la part des enfants et, malheureusement aussi, des adultes. L’atmosphère délétère que cela suscite ne bénéficie à personne, car non seulement elle crispe les positions des un.es et des autres et elle laisse peu de place à la nuance. Mais surtout, elle porte préjudice aux premières concernées: les personnes victimes d’homophobie et de transphobie.
La décision de l’école de Black Lake aurait évidemment pu faire l’objet d’une discussion. Mais celle-ci aurait mérité d’avoir lieu dans un climat d’écoute, de respect et de sérénité. De plus, si l’on considère que l’école est un lieu de découverte de la différence et d’apprentissage du vivre-ensemble, difficile de ne pas voir, dans le projet de cette journée costumée, un geste et un choix audacieux. Cela aurait offert une belle occasion de réfléchir avec les élèves à de nombreuses questions importantes en matière de tolérance et de vivre-ensemble.
Avec cette activité, je vous propose donc de réfléchir avec vos élèves à cette question de l’audace et des choix «qui ne plaisent pas à tout le monde». Ce muscle du vivre-ensemble, dont je vous ai déjà parlé, nécessite en effet d’être entraîné aussi régulièrement que possible. Il en va en effet d’une «hygiène» plus harmonieuse dans nos rapports aux autres. En particulier quand l’autre est perçu·e· comme «différent.e» et quand il vient interroger ou bousculer les normes auxquelles notre famille, notre environnement et notre culture nous ont habitués.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Il y a dans le programme de CCQ plusieurs thèmes qui font écho à ces situations où nos idées, nos décisions et nos positions rencontrent, chez les gens qui nous entourent, opposition et désaccord.
Un des piliers du programme est le concept de réalités culturelles: les élèves sont invités à les explorer (au 1er cycle), à les examiner (au 2e cycle) et à réfléchir à celles-ci de façon critique (au 3e cycle). Difficile de contester que le débat, la controverse ou encore la polémique font bel et bien partie de nos réalités culturelles.
Plus précisément, les thèmes obligatoires associés à cet atelier sont les relations entre les individus (au 1er cycle), les dynamiques de groupe (au 2e cycle) et la vie collective (au 3e cycle).
Dans les compétences à mobiliser et développer, on observe d’une part celles qui relèvent du dialogue. Aux 3 cycles, il s’agit pour l’élève:
- d’appliquer les conditions favorables à l’interaction
- de considérer ses ressentis
- d’appuyer ses idées
- de s’enquérir des idées des autres
On observe ensuite les compétences qui visent à considérer des émotions. Au 1er cycle, il s’agit de les reconnaître et d’associer des réactions à des émotions. Au 2e cycle il s’agit, en plus des précédentes, d’identifier des déclencheurs possibles des émotions
Au 3e cycle, enfin, la compétence devient celle d’examiner des points de vue. Il s’agit alors pour l’élève
- d’identifier des divergences ou des tensions
- d’identifier des points de vue ainsi que les idées et les repères qui y sont associés
- de dégager des émotions
- de comparer des idées et des repères
- de formuler des constats
La philo: comment on fait?
- Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
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