Atelier philo: Comment réagir face à l’incertitude?
Récemment, pendant plusieurs semaines, un sujet léger – en apparence - a fait beaucoup parler de lui: en Grande-Bretagne, la princesse de Galles, Kate Middleton (l’épouse du prince William, l’héritier du trône) était absente de ses fonctions officielles, en raison d’un problème de santé. La famille royale britannique, avec une certaine maladresse, a alimenté malgré elle le flou qui régnait autour de la princesse. En effet, pour tenter d’apaiser les rumeurs, elle a publié début mars une photo. Or, très rapidement, des journalistes et nombreux observateurs ont décelé qu’elle avait été altérée.
Comme tout ce qui relève de la famille royale est un sujet sensible en Grande-Bretagne et ailleurs, la polémique a enflé. Et comme personne ne savait précisément ce dont souffrait la princesse, les hypothèses, y compris les plus absurdes, se sont multipliées sur les réseaux sociaux. Aucune information précise ne filtrant quant à son état, cela a progressivement donné lieu à de nombreuses réactions, parmi lesquelles un grand nombre d’élucubrations complotistes. Au bout de quelques semaines, la princesse a alors publié une vidéo, dans laquelle elle annonce souffrir d’un cancer et demander qu’on respecte son intimité et celle de sa famille. Nos collègues Camille et Marie se sont d’ailleurs fait l’écho de cette demande dans des textes des As de l’info.
À une époque où la vie des personnalités publiques est scrutée à la loupe et où les médias sociaux sont un terreau où prolifèrent parfois les théories les plus folles, cet événement offre une belle occasion de réfléchir à une question importante: comment réagir face à l’incertitude? En d’autres termes, que faire quand on ne sait pas?
Qu’on soit adulte ou enfant, nombreuses sont les situations dans la vie où nous faisons face à des événements dont il n’est pas toujours possible de démêler le pourquoi du comment. De «grands», comme la guerre, le terrorisme ou certaines tragédies; mais aussi des «petits» comme des chicanes entre amies ou des décisions prises par nos proches, qui nous laissent parfois impuissants à donner ou à trouver du sens. Parmi les raisons à cela, on retrouve notamment la «soif» qu’ont les êtres humains de comprendre, de savoir ou de pouvoir s’appuyer sur des certitudes, afin de pouvoir cheminer dans la vie. Mais souvent, les humains doivent composer avec une part d’incertitude, face à une réalité complexe et coriace.
Avec cette activité, vous aurez donc l’occasion de dialoguer avec vos élèves sur ce sujet important. En effet, réfléchir aux rapports qu’ils entretiennent avec l’incertitude peut être utile dans leur vie, actuelle et future. Cela leur permettra non seulement de prendre conscience que l’esprit critique peut être une boussole pour naviguer face à certaines questions qui recèlent des incertitudes (qui on est, être heureux, être amoureux, choisir un métier, vivre en société, …). Mais aussi, peut-être, de découvrir que les incertitudes peuvent aussi donner du piment à la vie et nourrir leur curiosité et leur envie d’aller au-devant de ce qu’ils ne connaissent pas.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Consignes
Faire lire à vos élèves les textes «Mystère autour de la princesse» et «La princesse Kate fait une triste annonce» de nos collègues Camille et Marie. Demandez-leur ensuite de formuler, par petite équipe de deux, une question philosophique qui renvoie, directement ou indirectement, au thème de l’incertitude ou de ce qu’on ne sait pas.
Les critères d’une telle question sont simples:
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule «bonne» réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment ! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question complexe qui concerne toutes et tous, eux qui sont des adultes en devenir.
- Comment on fait pour savoir comment est né l’univers?
- Comment on fait pour savoir si nos parents nous aiment?
- Comment on fait pour savoir combien font 2 + 2?
- Y a-t-il des exemples de choses qu’il est impossible de savoir?
- Y a-t-il des exemples de choses qu’il est difficile de savoir?
- Y a-t-il des choses qu’on est parfois content de ne pas savoir?
- Y a-t-il des choses qu’il vaudrait parfois mieux ne pas savoir?
- Vous arrivez à l’école et vous apprenez que votre enseignante est absente pour 2 semaines, sans qu’on vous dise pourquoi. Comment faire pour savoir ce qui explique son absence?
- Quelle est la différence entre une explication raisonnable et une explication farfelue?
- Quelle est la différence entre une explication logique et une explication illogique?
- Quelle est la différence entre une explication rationnelle et une explication émotionnelle?
- Si on pouvait tout savoir, comment pourrait-on être encore curieux?
- Quelle est la différence entre savoir et comprendre?
- Comment apprendre à vivre avec l’incertitude?
Si vous n’avez jamais mené de discussion philo avec vos élèves, voici quelques repères pour que celle-ci se déroule au mieux.
La philo: comment on fait?
- Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
On retrouve naturellement plusieurs thématiques dans le programme de CCQ qui recoupent cette question : la quête de sens et les médias et la vie numérique, qui sont 2 des 5 thèmes généraux du programme. Une des compétences renvoie également aux réalités culturelles, qu’il s’agit d’explorer (au 1er cycle), d’examiner (au 2e cycle) et de réfléchir de façon critique (au 3e cycle). Cette progression s’appuie sur une pratique du dialogue et de la pensée critique.
Réalisé avec le soutien du