Est-ce que tous les drames sont égaux?
Tu te souviens de la nouvelle du sous-marin disparu dont on t’a parlé la semaine dernière? Beaucoup de gens ont dit qu’ils étaient mal à l’aise ou pas d’accord avec les grands efforts mis pour retrouver l’engin et ses 5 passagers. Pourquoi?
Ces personnes disent que d’autres tragédies plus graves se produisent tous les jours et qu’on ne met jamais autant d'énergie pour secourir les victimes. Que les passagers du sous-marin ont reçu plus d’attention parce qu’ils étaient très riches. Que c’est injuste.
Par exemple, quelques jours avant la disparition du sous-marin, un bateau qui transportait 750 migrants a chaviré dans la mer Méditerranée et des centaines de personnes se sont noyées. Les autorités, qui savaient que le bateau était trop chargé et risquait de chavirer, n’ont rien fait. C’est ce que l’image en haut de cet article illustre.
Les migrants qui traversent la mer Méditerranée prennent de très grands risques dans l'espoir d’avoir une meilleure vie dans d’autres pays. En 2022, 2700 se sont noyés. C’est environ 7 personnes chaque jour…
Pourquoi une si grande différence? Qu’est-ce qui explique que nous sommes plus intéressés par un événement dramatique que par un autre? Est-ce mal? J’avais vraiment beaucoup de questions. Gilles Abel est venu à ma rescousse! Gilles est un philosophe pour enfants et un ami des As.
C’est vrai de dire qu’il y a une injustice entre le drame du sous-marin et celui des migrants qui dure depuis des années?
Oui. Ce qui arrive aux migrants est très triste et on en parle peu. Je crois que c’est une bonne chose que cette injustice nous bouleverse et nous fâche.
Pourquoi?
Je crois que ces sentiments peuvent nous pousser à être curieux, à s’informer. Et même à agir pour lutter contre les injustices.
J’ai entendu des gens dire: «Ça donne l’impression que toutes les vies n’ont pas la même valeur».
Il faut faire attention de ne pas tout voir en noir et blanc. De dire qu’une situation représente le bien et l’autre le mal. «On a dépensé beaucoup d’argent pour essayer de sauver 5 riches irresponsables et on n’a rien fait pour des centaines de pauvres migrants». Ce n’est pas bon de voir les choses de manière trop simplifiée.
Tous les êtres humains devraient avoir les mêmes droits, la même importance, non?
Oui, c’est le souhait de tous. C’est un but à atteindre. Mais ce n’est pas encore la réalité dans la vie de tous les jours, dans tous les pays.
Pourquoi la disparition d’un petit sous-marin de 5 personnes a autant attiré l’attention des médias?
C’est un événement qui ressemble à un film ou une série télé: il y a ce côté aventure, du suspense. On s’est tous demandé: «Comment cette histoire va-t-elle se terminer?».
Il y a aussi une partie de nous qui est fascinée par les explorateurs. Par les gens «un peu fous» qui prennent des risques. Des gens très curieux. Je pense que c’est une bonne chose que l'être humain reste attaché à cet idéal.
Alors c’est normal d’avoir été fasciné par l’histoire du sous-marin?
Oui. C’est normal d’avoir été intrigué. Et c’est aussi normal d’être, en même temps, choqué par les inégalités. C'est un défi pour un enfant (et pour un adulte!) de trouver cet équilibre entre les deux.
On se sent si impuissant devant ces injustices. On fait quoi avec ce sentiment?
On passe à l’action! Le sentiment d’injustice peut déclencher la curiosité, l'action, la solidarité ou l'empathie.
L'injustice n'est pas souhaitable, mais si elle entraîne des réactions différentes, c'est une bonne chose.