
Qui a le droit d’inventer un mot ?
Une langue n’est jamais figée: elle grandit, se transforme et s’enrichit chaque jour. Aborder en classe la question «Qui a le droit d’inventer un mot ?» permet dès lors d’ouvrir la réflexion sur le pouvoir créatif du langage, la diversité culturelle et les mécanismes d’inclusion ou d’exclusion qui traversent la société. Cette question invite à explorer comment de nouveaux mots apparaissent: certains sont issus de l’anglais, d’autres de la culture québécoise, d’autres encore sont inventés par les jeunes ou popularisés sur les réseaux sociaux. Réfléchir à qui peut inventer un mot, c’est aussi réfléchir à qui a le pouvoir de faire évoluer la culture et l’identité québécoises. Une telle activité permet donc d’interroger la légitimité, la valeur et la reconnaissance des mots selon leur origine et leur usage.
Ce thème soulève des enjeux essentiels pour la construction identitaire des élèves. Qui décide de ce qu’est un «vrai» mot? Les mots inventés par les jeunes ou par des communautés minoritaires sont-ils aussi valables que ceux validés par les dictionnaires? Pourquoi certains mots s’imposent-ils alors que d’autres disparaissent? À travers l’exploration de ces questions, les élèves découvrent que la langue est un espace de dialogue, de pouvoir et de créativité, mais aussi de tension entre tradition et innovation.
Cette activité est aussi l’occasion de valoriser la pluralité des points de vue, de renforcer la pensée critique et de développer la capacité à dialoguer. Elle permet aussi d’aborder la question du vivre-ensemble: la langue peut-elle rassembler ou exclure? Qui a voix au chapitre dans l’évolution de la culture commune? En liant ces réflexions à l’actualité, il s’agit d’ancrer la démarche dans le réel et de donner aux élèves des outils pour comprendre et questionner leur environnement linguistique et social.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Déroulement
Lire avec vos élèves le texte de notre collègue Maxim «150 nouveaux mots dans le Petit Robert». Demandez-leur ensuite de formuler, en petite équipe, une question philosophique.
Les critères d’une telle question sont simples:
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule «bonne» réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question qui les concerne toutes et tous:
- Qui a le droit d’inventer un mot? Est-ce que c’est réservé à certains ou tout le monde peut s’y prêter?
- Un mot inventé par des jeunes sur Internet peut-il devenir un mot que tout le monde utilise?
- Si tu inventes un mot, comment pourrais-tu le faire (re)connaître? Que faudrait-il pour que d’autres l’adoptent?
- Est-ce qu’un mot inventé dans une cour d’école peut finir dans un dictionnaire? Comment ça pourrait se passer?
- Un mot qui vient d’ailleurs (comme « chill ») peut-il devenir un vrai mot d’ici? Qu’est-ce qui fait qu’un mot « appartient » à notre langue ou à notre culture?
- Un mot peut-il «appartenir» à plusieurs langues ou cultures en même temps?
- Pourquoi certains mots nouveaux deviennent populaires, alors que d’autres tombent dans l’oubli?
- Qu’est-ce qui peut aider -ou empêcher- un mot inventé par quelqu’un d’être accepté par tout le monde?
- Comment peut-on rendre visibles et importants les mots autochtones ou d’autres langues dans le français?
- As-tu déjà utilisé un mot que seuls tes amis comprenaient? Qu’est-ce que ça change dans votre façon de parler ensemble?
- Certains mots peuvent-ils faire que des personnes se sentent acceptées, ou au contraire, mises à l’écart?
- Est-ce qu’un mot peut changer la façon dont on pense ou dont on se sent?
- Les mots qui naissent sur Internet sont-ils différents de ceux inventés à l’école ou en famille? Pourquoi?
- Si tu pouvais inventer un nouveau mot que tout le monde utiliserait, lequel choisirais-tu? Et comment t’y prendrais-tu?
La philo: comment on fait?
- Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
Pour aller plus loin, voici consultez nos ressources vidéos «Faire de la philo avec les enfants» et «La philosophie comme moyen d'aborder les sujets sensibles».

Liens avec le programme de CCQ
Relier langue et citoyenneté: En comprenant que la langue évolue grâce à la participation de tous, les élèves développent leur pouvoir d’action et leur responsabilité dans la société québécoise.
Les élèves observent la langue comme une réalité vivante, façonnée par différents groupes, générations et influences
Prendre conscience de la diversité et de l’inclusion: La question de l’invention des mots permet de réfléchir à l’inclusion ou à l’exclusion de certains groupes dans la culture commune
4e année: Relations entre humains - Dynamiques de groupe - Appartenances culturelle (héritage et identité culturel.le) & Influence du groupe (popularité, effet de mode)
Réalisé avec le soutien du