Atelier philo: Peut-on «filtrer» notre identité?
En tant qu’enseignant, parent ou adulte, il est un sujet qui parfois nous laisse bien dépourvu: celui de l’accompagnement optimal à déployer pour que les enfants développent des comportements sains dans leurs usages du numérique. En effet, la place prise par celui-ci dans notre vie quotidienne, depuis une vingtaine d’années, a augmenté de façon exponentielle. L’arrivée des médias sociaux, à partir de 2006, n’a fait qu’amplifier ce mouvement. Si elle a certes été synonyme de progrès, elle a également fait apparaître différents «nouveaux» problèmes à gérer, que la recherche scientifique documente désormais de plus en plus.
Parmi ceux-ci, l’impact du numérique et des réseaux sociaux sur le développement et la santé mentale des enfants soulève, à bon droit, plusieurs inquiétudes. En effet, plusieurs enjeux relevant de l’estime et de la confiance en soi, de la relation aux autres, de la socialisation et du rapport au corps sont notamment concernés. Sur plusieurs applications, au premier rang desquelles TikTok (très prisée des enfants et des adolescents), l’utilisation des filtres jette ainsi une lumière parfois crue sur la difficulté pour les enfants à développer sereinement (et sainement) leur identité, dans un monde où l’apparence semble être reine. Notre collègue Camille en parlait d’ailleurs récemment dans un «pour ou contre».
Avec cette activité, vous pourrez amener les élèves à prendre du recul par rapport à un phénomène qui les concerne toutes et tous. En leur permettant de réfléchir au poids des apparences, aux défis de la construction de l’estime de soi, ainsi qu’aux aléas soulevés par les modèles auxquels ils s’identifient, vous leur donnerez l’occasion de penser par eux-mêmes. Et de prendre conscience que grandir signifie, notamment, d’apprendre à résister aux sirènes de la popularité et de la pression sociale.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Déroulement
Lire avec vos élèves le texte de notre collègue Camille «Pour ou contre : les filtres sur les réseaux sociaux». Demandez-leur ensuite de formuler, en petite équipe, une question philosophique.
Les critères d’une telle question sont simples :
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule « bonne » réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question qui les concerne toutes et tous:
- Dans la vie de tous les jours, est-ce facile d’être soi-même?
- Sur les réseaux sociaux, est-ce facile d’être soi-même?
- Y a-t-il un écart entre ce qu’on est dans la vraie vie et ce qu’on montre sur les réseaux sociaux?
- Y a-t-il de «bonnes» et de «mauvaises» raisons de vouloir plaire aux autres?
- Comment faire la différence, sur les réseaux sociaux, entre les modèles inspirants et ceux qui ne le sont pas?
- Ce serait quoi un usage sain des outils numériques?
- Quelles sont les différences entre la façon dont les autres nous perçoivent et la façon dont nous nous percevons nous-mêmes?
- Vouloir bien paraître aux yeux des autres, est-ce toujours négatif?
- Comment ne pas accorder trop d’importance à l’image qu’on renvoie aux autres?
- Y a-t-il des limites à ce qu’on devrait faire pour être accepté par les autres?
- Y a-t-il des limites à ce qu’on devrait faire pour être aimé par les autres?
- Comment faire pour que la pression sociale ne pèse pas trop lourd dans notre vie?
- Avoir confiance en soi, est-ce facile?
- Certaines choses peuvent-elles parfois être à la fois «bonnes» et «mauvaises» pour notre santé mentale?
- Peut-on apprendre à bien vivre avec soi-même?
La philo: comment on fait?
-
Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
Pour aller plus loin, voici consultez nos ressources vidéos «Faire de la philo avec les enfants» et «La philosophie comme moyen d'aborder les sujets sensibles».
Liens avec le programme de Culture et citoyenneté québécoise
Dans le thème médias et vie numérique, le programme prévoit que les élèves développent des connaissances et une réflexion à propos de la place du numérique dans leur vie et dans la société.
Au 3e cycle, les élèves sont invités à se pencher de manière plus approfondie sur leur relation au numérique. Parmi les multiples thématiques évoquées, ils réfléchissent notamment aux effets des technologies numériques sur leur compréhension du monde, la vie sociale, la culture et les institutions politiques et démocratiques québécoises. Plusieurs thématiques peuvent être pertinentes à aborder à cet égard:
- Les usages variés du numérique: les expériences positives et négatives des personnes (apprentissage et partage, bien-être numérique, cyberdépendance, chambres d’écho, cyberintimidation, etc.) et les principaux encadrements légaux des actions dans l’espace numérique et leurs conséquences (en 5e année)
- La représentation de soi en ligne: l’exposition de soi en ligne et l’image corporelle, les frontières entre l’espace public et l’espace privé, la quête de reconnaissance en ligne (en 6e année)
Comme l’indique le programme, l’omniprésence du numérique dans le quotidien, les pressions directes ou indirectes relatives à l’utilisation des outils numériques ainsi que les conditions d’équilibre à maintenir pour favoriser le bien-être peuvent être abordées avec les élèves en vue de dégager les avantages et les risques qui y sont liés.
Réalisé avec le soutien du