Atelier philo: Peut-on avoir peur de la peur?
Halloween est à nos portes et cela suscite évidemment impatience et excitation chez la plupart des enfants, car il s’agit d’un moment de l’année et d’une tradition à laquelle ils sont très attachés. Se déguiser, aller à la chasse aux douceurs et friandises, jouer à se faire peur, tout cela contribue à la fébrilité qui les anime.
Toutefois, parmi eux, il arrive que certains enfants, jeunes ou moins jeunes, ne soient pas aussi à l’aise que leurs amis dans leur façon de composer avec les sentiments suscités par la peur. Quand bien même, à cette occasion, la pop culture et l’univers médiatique (films, séries, livres, etc) regorgent d’histoires où la peur sert de fil rouge - voire de carburant - à l’intrigue, il peut être important de prendre conscience que tous les enfants ne sont pas égaux face à la peur.
Cet événement peut donc être une belle occasion pour aborder avec eux une question qui passe peut-être «sous les radars» dans notre société, mais qui pourtant mérite notre attention: peut-on avoir peur de la peur? Est-il possible que nous ne soyons pas tous et toutes aussi à l’aise pour affronter les sentiments qu’elle suscite en nous? Et sommes-nous tous capables de la vivre de façon ludique et légère au moment de l’Halloween?
Il s’agit là d’une question importante. En invitant les élèves à examiner cette question, vous leur donnerez l’occasion de prendre du recul par rapport à une émotion importante dans leur vie, dans un contexte où elle est associée à un événement qui a par ailleurs une grande importance pour eux. En réfléchissant avec eux aux manifestations de la peur, à ce qui la provoque et aux façons différentes dont elle «s’imprime» chez chacun, ils pourront développer des compétences essentielles: nommer, partager et distinguer des émotions qui caractérisent tous les êtres humains tout au long de leur vie.
De cette façon, vous leur donnerez des clés pour apprendre à mieux vivre avec cette émotion, en découvrant à quel point l’expression des sentiments est une façon de les dédramatiser et de les apprivoiser.
Type de tâche: Atelier philo
Durée approximative: 50 minutes
Déroulement
Lisez la critique suivante, écrite par notre collègue Emeric, du film “Sens dessus dessous 2». Demandez-leur ensuite de formuler, en petite équipe, une question philosophique sur la peur.
Les critères d’une telle question sont simples :
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule « bonne » réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à prendre conscience qu’ils sont capables de réfléchir et de donner du sens à une question qui les concerne toutes et tous:
- Comment se manifeste la peur?
- Comment faire quand on est débordé par la peur?
- Y a-t-il des meilleures manières que d’autres de réagir face à la peur?
- Arrive-t-il parfois qu’on aime avoir peur?
- Arrive-t-il parfois qu’on soit gêné d’avoir peur?
- Arrive-t-il parfois qu’on ait peur parce que les autres ont peur, et pas forcément par ce qui leur fait peur?
- Est-ce plus facile d’admettre qu’on a peur face à sa famille ou face à ses amis ?
- La peur peut-elle parfois être utile?
- Certaines peurs sont-elles plus faciles à «maîtriser» que d’autres?
- Exprimer ce qu’on ressent, est-ce plutôt une qualité ou un défaut?
- Comment faire pour accueillir au mieux les émotions de nos proches?
- Peut-on apprendre à apprivoiser ses peurs?
Liens avec le programme de Culture et citoyenneté québécoise
Plusieurs thématiques du programme de Culture et citoyenneté québécoise (CCQ), où l'omniprésence de considérer les émotions est centrale, peuvent être mobilisées autour de la question de la peur. Dès le 1er cycle, les élèves apprennent à reconnaître et associer différentes émotions aux réactions qui les accompagnent. Au 2e cycle, ils approfondissent en identifiant les déclencheurs possibles de ces émotions, tandis qu’au 3e cycle, ils découvrent comment les émotions influencent la formation de points de vue. Cette progression permet aux élèves de développer une meilleure compréhension de leurs émotions, incluant la peur, tout en explorant comment celles-ci façonnent leurs perceptions et réactions.
Voici les thèmes, sous-thèmes et éléments de contenu auxquels cet atelier peut être rattaché.
3e année: Conscience de soi et construction identitaire - Perception de soi - Désirs et limites personnelles (connaissances et écoute de ses limites personnelles)
Relations entre humains - Dynamiques de groupe - Différences et points communs entre les individus ( Diversité émotionnelle )
4e année: Conscience de soi et construction identitaire - Perception de soi - Forces et défis de chaque personne (diversité des forces et des défis, estime de soi)
La philo: comment on fait?
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Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose: il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense!
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme: définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer: reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme «l’évidence», le «gros bon sens» ou «ce que tout le monde sait».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent toutes et tous.
- Une chose essentielle: on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement!) d’arriver à des réponses qui sont «bonnes», définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
Pour aller plus loin, voici consultez nos ressources vidéos «Faire de la philo avec les enfants» et «La philosophie comme moyen d'aborder les sujets sensibles».
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