
Atelier philo: Quelle est la différence entre critique et intimidation ?
Dans nos sociétés démocratiques, la critique est un ingrédient majeur de nos interactions. Notre adhésion à un «contrat social» (les principes et les valeurs qui structurent la société) dépend, par exemple, de notre capacité à exprimer des jugements critiques sur les actions et les décisions prises par les personnes responsables du «bien commun».
L’époque dans laquelle nous vivons est toutefois marquée par une forte polarisation des débats, où les nerfs de nombre d’entre nous sont souvent mis à rude épreuve, dans nos interactions avec les autorités mais aussi les un.es avec les autres. En particulier lorsque nous sommes en désaccord ou sommes contrarié.es. Et lorsqu’on observe l’actualité, cela soulève une question parfois complexe : où se situe la limite entre la critique légitime et l’intimidation ?
Dans Le Devoir, la journaliste Isabelle Porter a récemment mis en évidence cette question, en partant de quelques exemples (Longueuil, Trois-Rivières, Wickham, North Hatley, parmi d’autres). Elle mettait en lumière l’allongement de la liste des villes dans lesquelles des élu.es sont victimes d’insultes, de menaces et d’intimidation de la part de citoyen.nes. Mais elle montrait aussi à quel point il n’est pas si facile de distinguer ces comportements abusifs de ceux relevant d’une critique, saine et acceptable, qui est une pierre angulaire de nos démocraties.
En tant qu’enseignant.e, vous n’êtes pas sans savoir que ces comportements font aussi partie de la vie des enfants. À l’école et en dehors, dans les familles ou dans les groupes d’ami.es, nombreuses sont les situations où la paroi est mince entre critique et intimidation. Cette activité vous offre donc l’opportunité de stimuler leur réflexion (et la vôtre !), afin que les élèves puissent donner du sens à cette problématique. Et reprendre prise sur des situations qui, parfois, leur échappent ou les heurtent.
De plus, si l’on examine attentivement le programme du cours de Citoyenneté et Culture Québécoise, on y retrouve pas moins de 60 occurrences du mot «critique» ! Il serait donc fâcheux que les enfants s’empêtrent dans les « sables mouvants » de ce concept, qui serait tantôt un problème à éviter et tantôt une vertu à privilégier. Et cela mérite largement de réfléchir aux activités à proposer à vos élèves, pour leur permettre d’apprivoiser cette notion parfois aussi glissante qu’une céramique mouillée…
Type de tâche : Atelier philo
Durée approximative : 50 minutes

Le programme du cours de CCQ fait la part belle au concept de critique. Pêle-mêle, on y mentionne notamment l’importance de :
- développer la pensée critique ;
- réfléchir de façon critique sur des réalités culturelles ;
- déployer un rapport critique à l’information ;
- Faire preuve d’humilité et de distance critique à l’égard de nos conceptions du monde, de nos convictions et de nos croyances ;
- Viser l’émergence d’une citoyenneté responsable et critique ;
- S’interroger sur les informations en portant une attention critique aux caractéristiques des sources.
De plus, en 3e année, le programme recommande de travailler plus spécifiquement sur les enjeux d’inclusion et d’exclusion, en abordant les contextes d’acceptation et de rejet par les pairs, le rôle de la non-conformité (notamment aux normes de genre) dans l’exclusion, ou encore les dynamiques de pouvoir dans les groupes de pairs (influence inégale des personnes, intimidation, alliances, etc.).
Consigne
Proposez à vos élèves de lire l’article Quelle est la différence entre critique et intimidation ?
Demandez-leur ensuite de formuler, par petite équipe de deux, une question philosophique.
Les critères d’une telle question sont simples :
- elle doit être ouverte
- elle n’a pas une seule « bonne » réponse ni de réponse définitive
- elle doit pousser à la réflexion
- elle doit être universelle (autrement dit, concerner tout le monde).
En choisissant une de leurs questions, proposez-leur alors un moment de discussion dont le but n’est pas de trouver la bonne réponse ni de convaincre les autres de penser comme elles ou eux. Mais plutôt de donner du sens, ensemble, à une question complexe.
Voici une liste de questions qui pourraient vous être utiles pour relancer les échanges de vos élèves. Vous n’êtes pas obligé.es de toutes les utiliser évidemment ! Vous êtes libres d’en piger quelques-unes, en fonction des directions empruntées avec vos élèves dans la discussion.
En somme, elles sont juste là en cas de besoin, afin d’amener vos élèves à approfondir ou à nuancer leurs réflexions. Mais aussi à développer – et oui ! - leur sens critique.
- En quoi la critique peut-elle parfois être utile?
- Quelle est la différence entre critique et intimidation?
- Existe-t-il de « bonnes » et de « mauvaises » critiques?
- Quelle est la différence entre une critique constructive et une critique destructrice?
- Comment savoir (et que faire) quand on est victime d’intimidation?
- Que faire quand on est témoin d’intimidation sur des gens autour de nous?
- Pourquoi est-ce important d’être à l’écoute de ses propres émotions?
- Pourquoi est-ce important d’être à l’écoute des émotions des autres?
- Peut-on, en même temps, faire preuve d’empathie et critiquer quelqu’un?
- Quel lien peut-on faire entre avoir confiance en soi et accepter qu’on nous critique?
- Dans la vie, est-ce important de se remettre en question?
- Est-il possible de se remettre en question sans se faire critiquer par autrui?
- Peut-on faire une différence entre critiquer ce que sont les gens, et critiquer ce que disent ou ce que font les gens?
- Qu’est-ce qui fait qu’on accepte certaines critiques mieux que d’autres?
- Peut-on apprendre à mieux recevoir et accepter des critiques?
- Peut-on apprendre à mieux exprimer des critiques?
Si vous n’avez jamais mené de discussion philo avec vos élèves, voici quelques repères pour que celle-ci se déroule au mieux.
La philo : comment on fait ?
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Faire de la philo ce n’est pas juste parler, discuter ou dire ce qu’on pense. Ce n’est pas non plus empiler ou juxtaposer des opinions ou des idées, en prenant un air sérieux. C’est autre chose : il s’agit plutôt d’un dialogue, où on essaie de penser ce qu’on dit. Et pas juste de dire ce qu’on pense !
- Pour penser de façon critique, on peut s’appuyer sur des habiletés de pensée comme : définir les mots dont on parle, donner des exemples et des contre-exemples, mais aussi réfléchir aux conséquences et aux implications de ce qu’on dit.
- D’autres aptitudes sont importantes à développer : reformuler ses idées ou celles des autres (pour s’assurer qu’on se comprend bien), donner des raisons quand on avance une idée, ou encore identifier des critères permettant de classer nos idées et de les distinguer entre elles.
- En philosophie, il est primordial de se méfier des évidences, des réponses toutes faites et des vérités qu’on voudrait nous imposer. On essaie autant que possible de décrypter et de déconstruire les préjugés, les stéréotypes et idées présentées comme « l’évidence », le « gros bon sens » ou « ce que tout le monde sait ».
- En philosophie, le but n’est pas de convaincre, mais de comprendre. C’est aussi de comprendre en quoi les sujets dont on parle et les questions qui en découlent nous concernent tous et toutes.
- Une chose essentielle : on découvre petit à petit qu’il est impossible (et heureusement !) d’arriver à des réponses qui sont « bonnes », définitives ou identiques pour chacun. Les réponses deviennent plus comme un horizon vers lequel on tend plutôt que comme un résultat qu’on voudrait obtenir.
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