
Portrait inspirant - Enseigner dans le Grand Nord: un engagement à hauteur humaine
Coucher du soleil sur la rivière Rupert.
Originaire des Cévennes, dans le sud de la France, j’ai un parcours atypique, riche en aventures, en voyages et en découvertes. Je m'appelle Lara Millet et je vous partage mon expérience dans le Eeyou Istchee, à la Baie-James, au sein d’une communauté crie.
Je suis enseignante au Canada depuis 2018. Après avoir enseigné à Vancouver, puis à Montréal, j’ai décidé, en juillet 2023, de m’installer dans cette région nordique. Mon désir était d’aller à la rencontre des Premières Nations, de découvrir leur mode de vie, leur territoire, leur programme éducatif. Je voulais aussi vivre en région éloignée, au cœur d’une nature authentique, et y découvrir la faune et la flore locale.
Aurores boréales sur la rivière Rupert
Je me suis progressivement immergée dans la culture crie. Je participe aux activités traditionnelles comme la découpe de l’orignal, la préparation des peaux, la confection de mocassins, de parkas ou de boucles d’oreilles. Ces gestes ont une valeur culturelle forte et m’ont permis de mieux comprendre l’environnement dans lequel évoluent mes élèves.
L'éducation est fortement ancrée dans les sens, l’expérience concrète et le lien à la nature. Une grande place est donnée à l’apprentissage autonome et collectif: les élèves apprennent entre eux, dans un esprit de collaboration. L’enseignement se fait souvent à l’extérieur, en lien avec les saisons et les traditions.
Le rythme scolaire est adapté aux événements communautaires tels que la pêche sur la rivière Rupert, la chasse au castor, à l’orignal et à l’ours, ainsi qu’aux célébrations culturelles. Le calendrier scolaire est également modifié afin de respecter les périodes de chasse traditionnelle, notamment la chasse à l’oie, qui a habituellement lieu à la fin mai, moment de migration.
Travailler dans le Nord, c’est une remise en question constante. Les réalités sociales sont complexes, les ressources limitées. Ces défis forcent l’adaptation et forgent l’humilité.
Ma méthode d’enseignement a naturellement évolué. J’ai dû moduler mes approches pour répondre aux besoins spécifiques des élèves, respecter leur rythme, intégrer les savoirs traditionnels et créer des ponts entre les contenus scolaires et leur réalité culturelle. J’en retire des apprentissages profonds:
- La patience me permettant d’accueillir les imprévus avec sérénité, ou d’accepter le rythme de chacun.
- L’importance du lien avec les aînés et avec la nature me rappelle que le savoir se transmet dans la relation et le respect des cycles naturels.
- L’écoute me permet d’entendre véritablement les besoins et les histoires des autres.
- Le respect du silence m’enseigne que tout ne se dit pas par les mots, et que la réflexion a sa place.
- La transmission orale m’inspire à valoriser la parole vivante et les récits partagés comme porteurs de sens et de mémoire collective.
Je dois avouer que j’appréhendais la rudesse de l’hiver. Ici, les températures descendent jusqu’à -43 °C pendant plusieurs semaines. Pourtant, j’ai été agréablement surprise de voir à quel point la vie continue: les enfants jouent dehors, les familles sortent, et les activités communautaires sont maintenues. L’hiver est vécu non comme une contrainte, mais comme une saison riche en rassemblements, en traditions et en beauté.
Si je partage aujourd’hui mon parcours, c’est parce que je crois que ces expériences méritent d’être connues, valorisées et reconnues. Enseigner dans le Nord, c’est sortir de sa zone de confort, se remettre en question, mais aussi vivre pleinement l’essence de l’éducation: apprendre ensemble, à hauteur humaine.
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