Le dictateur, le missile et l’enfant
Le dictateur nord-coréen, Kim Jong-un, est apparu récemment en public pour la première fois avec sa fille Ju-ae, 10 ans, et cela à deux reprises au cours de la même semaine.
La première apparition est survenue pour le lancement du nouveau Hwasong-17, le plus gros missile intercontinental du régime coréen, potentiellement assez puissant pour atteindre les États-Unis.
Elle a de nouveau été vue quelques jours plus tard avec des soldats, des scientifiques et d’autres membres du régime. Les photos ont fait le tour du monde.
Même si on ne l’avait jamais aperçue publiquement, c’était déjà connu que le guide suprême de la Corée du Nord avait des enfants. Mais reste que la famille Kim n’a pas l’habitude d’étaler sa vie privée au grand jour.
Pourquoi cette soudaine exposition?
Plusieurs médias ont avancé que Kim Jong-un, 38 ans, souhaitait présenter celle qui lui succédera au pouvoir. Quelques indices pointeraient en ce sens. De un, les médias nord-coréens ont décrit Ju-ae comme l’« enfant chérie » et la « précieuse » du dictateur, un signe probable qu’elle est en effet l’héritière. Deuxièmement, on a vu un général haut gradé s’incliner devant l’enfant, signe de son importance. Mais, pourquoi l’exposer elle, et pas un autre de ses trois enfants ?
Des experts de la Corée ne sont pas convaincus de cette hypothèse. Ils croient qu’il faut attendre encore un peu avant de tirer conclusions.
L’objectif de l’apparition aurait pu simplement être un geste marquant pour l’image de la Corée du Nord. Alors que le monde a les yeux tournés vers l’Ukraine, il fallait quelque chose de frappant pour que le missile Hwasong-17 ne passe pas inaperçu. Un père et sa fille, ça attire plus l’attention.
Un contexte particulier
Le pays se trouve présentement dans une phase d’«insécurité psychologique». L’économie va mal et la COVID-19 persiste. De plus, la Corée du Sud, ennemie de la Corée du Nord, montre des muscles.
Dans ce contexte, cette mise en scène n’est pas étonnante. Les apparitions de la fillette sont peut-être plutôt un symbole pour prouver que la Corée du Nord est forte et solide.
L’image du dictateur comme étant aussi père est rassurante. Ça envoie le message qu’il protège son peuple contre les dangers, comme il protège sa famille.
Cela ne veut pas dire que la petite fille ne dirigera jamais le pays, mais pour l’heure, cette piste ne semble pas à privilégier. D’autant que Ju-ae aurait un frère aîné. Il n’y a pas de règle officielle dans la dynastie Kim. Mais en toute logique, on peut imaginer que c’est plutôt lui qui succédera à son père… qui avait lui-même succédé à son père… qui avait lui-même succédé à son père.
C’est un pays assez traditionnel. C’est donc probablement lui qui, malgré tout, sera le mieux placé. Il est aussi possible qu’un garçon soit mieux accepté dans ce monde d’homme.
D?après un texte de Jean-Christophe Laurence, .