Appareil photo à la main, des enfants montrent la vie en Ukraine
En 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine, deux amis ukrainiens ont eu l’idée d’aller à la rencontre d’enfants qui habitent près des zones de combat. Ils ont offert aux enfants des appareils photo et leur ont juste dit: prenez des photos!
C’était le début du projet «Behind Blue Eyes» (ce qui veut dire «Derrière leurs yeux bleus»). Depuis, les photos des enfants ont été présentées dans plusieurs expositions à travers l’Ukraine. Comme je trouve ce projet formidable, je voulais te le faire découvrir. J’ai donc parlé avec Artem Skorohodko, un de ses deux concepteurs.
En quoi ces photos sont-elles importantes pour les enfants?
Les enfants, en général, ont de la difficulté à parler de leur expérience personnelle et, bien entendu, de leurs éventuels traumatismes. Mais grâce aux photos, cela devient plus facile pour eux de se livrer, comme si les photos avaient un pouvoir thérapeutique. Décrire l’image rend plus facile pour eux de parler de leur expérience, aussi terrible soit-elle. Cela devient un outil précieux pour faire entendre leur voix et faire sortir ce qu’ils ont à l’intérieur.
Peux-tu me raconter l’histoire d’une photo prise par un enfant ukrainien?
Il y en a une qui me vient en tête, c’est une photo d’une petite fille nommée Masha. On voit l’atelier en ruines de son grand-père menuisier. Or, Masha a 9 hamsters et elle avait l'habitude de récupérer la sciure de l’atelier pour garnir leur cage. En commentant la photo, elle m’a dit: «Maintenant que l’atelier est détruit, je vais être obligée de trouver de la sciure ailleurs». C’est touchant évidemment, car cela fait de la guerre une sorte de tragicomédie.
Pourquoi penses-tu que la créativité des enfants est importante?
Dans notre projet, on voit combien les enfants qu’on rencontre gardent confiance dans l’avenir, même si la guerre fait rage dans notre pays. Même si on voit les dégâts autour d’eux et qu’il y a sûrement des traumas liés à la guerre, ils n’arrêtent pas de faire des plans pour le futur. Notre projet va d’ailleurs au-delà de la guerre: il vise à donner une voix aux enfants, ce qui est crucial dans les pays en guerre évidemment, mais aussi partout ailleurs.
Maintenant que le projet existe depuis 2 ans, pourquoi continuer?
Les enfants nous ont dit que le plus important pour eux, ce ne sont pas les colis qu’on leur amène. Mais que quelqu’un décide de venir jusqu’à eux (leur région est située à plus de 1000 kilomètres de Kiev, la capitale de l’Ukraine). Et surtout qu’on ait un intérêt sincère pour ce qu’ils vivent. Au lieu de les prendre de haut ou de les sous-estimer, on se met à leur hauteur et on a de la considération pour eux. Et cela les touche. Avec mes collègues, on se dit que c’est notre façon à nous de trouver une place dans ce qui se passe en Ukraine. Et, à notre façon, de faire face à la guerre, comme d’autres vont au combat. Nous, on fait juste ça.
Et toi, as-tu un exemple d’une chose qui te donne confiance en l’avenir?