
La prison pour cinq bouts de papier
Frédérick Lavoie, journaliste et auteur, aime fusionner journalisme et littérature. Laisse-le te raconter un véritable récit à la manière d’un conte. Parfois, la réalité surpasse l'imaginaire!
Il est une fois à notre époque une jeune femme condamnée à la prison pour avoir changé des étiquettes de prix dans un supermarché.
Cette histoire se déroule en Russie, le plus grand pays du monde. Tout commence quand, par une journée d’hiver, le président de ce pays décide d’envoyer son armée envahir son petit voisin, l’Ukraine.

Le président dit que l’Ukraine est une menace pour la Russie. Mais beaucoup de Russes ne le croient pas et s’opposent vigoureusement à cette guerre.
Parmi eux, il y a Sacha, 31 ans. Elle est artiste. Elle écrit des poèmes, compose des chansons, dessine. C’est une artiste aux multiples talents.
Quelques années avant la guerre, elle a été monitrice dans un camp de vacances en Ukraine. Elle connaît plusieurs enfants ukrainiens. Elle ne veut pas que l’armée de son pays leur lance des bombes sur la tête!
Dès les premiers jours de la guerre, Sacha participe à des manifestations pour la paix. Mais le président rend ces manifestations illégales.
En fait, il est même interdit de dire que la Russie est en guerre!
Alors pendant une manifestation, la police arrête Sacha. Elle passe une nuit au poste de police et reçoit une amende très chère.
Mais cela ne la décourage pas. Elle veut continuer d’exprimer sa colère contre cette guerre.
Sur les réseaux sociaux, elle tombe sur de fausses étiquettes de prix qu’un groupe de femmes a créées. Ces étiquettes ressemblent à celles dans les supermarchés. Mais au lieu de «soupe en conserve» ou «farine de blé entier», il est écrit des choses comme «L’armée russe a détruit plus de 20 hôpitaux en Ukraine» ou «Le prix de cette guerre, c’est la vie de nos enfants.»

Voici les étiquettes en question.
Sacha trouve cette idée géniale. Puisque les journaux du pays ne disent pas la vérité sur la guerre, il faut trouver d’autres moyens d’informer les gens sur ce qui se passe!
Sacha fait imprimer les étiquettes et se rend dans un supermarché. En cachette, elle remplace cinq étiquettes dans les rayons par celles-ci.
Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’une vieille dame l’a aperçue. Et cette vieille dame appuie la guerre. Elle appelle la police et dénonce Sacha.
Quelques jours plus tard, la police arrête Sacha. Elle est accusée d’avoir répandu de «fausses informations» sur l’armée russe!
Sacha passe un an et demi en prison avant d’avoir droit à un procès. Durant ce temps, elle a de nombreux soucis de santé. Mais les responsables de la prison refusent de lui donner de bons soins. Beaucoup de gens s’inquiètent pour elle.
Lors de son procès, Sacha ne ment pas. Elle admet avoir changé les étiquettes, au nom de la paix.
Mais la juge appuie la guerre. Et elle condamne Sacha à 7 années de prison!
Quand Sacha entend le verdict, elle se met à pleurer. Pour avoir combattu une injustice, elle est elle-même devenue victime d’une injustice!
Malgré cela, elle ne regrette pas son geste. Car pour elle, il est important de dénoncer cette guerre.

Sur cette photo, tu peux voir Sasha Skochilenko derrière les barreaux.
Malheureusement, cette histoire est vraie. Le 16 novembre, l’artiste Alexandra Skotchilenko (que ses proches appellent Sacha) a été condamnée à 7 ans de prison pour avoir changé cinq étiquettes de prix dans un supermarché de Saint-Pétersbourg en mars 2022. Plusieurs autres personnes en Russie sont en prison pour des gestes similaires qui visaient à dénoncer la guerre contre l’Ukraine. De nombreuses organisations en Russie et ailleurs dans le monde exigent la libération de Sacha et des autres personnes emprisonnées, sans succès pour l’instant.
Sources: Meduza.io, Agence France-Presse.