
Il est une fois: La ministre artificielle
Frédérick Lavoie, journaliste et auteur, aime fusionner journalisme et littérature. Laisse-le te raconter un véritable récit à la manière d’un conte. Parfois, la réalité surpasse l'imaginaire!
Il est une fois à notre époque une ministre qui ne dort jamais, peut mener des centaines de discussions en même temps, prendre des décisions importantes en quelques secondes… et tout cela sans avoir ni cerveau, ni cœur, ni corps.
C’est que Diella est un robot. Un robot qui fonctionne grâce à l’intelligence artificielle.
L’histoire de Diella se passe en Albanie, un petit pays d’Europe.

Un jour, en ouvrant le site web du gouvernement, les citoyennes et citoyens sont accueillis par l’image d’une dame d’environ 55 ans. Elle est vêtue de la xhubleta, l’habit traditionnel du pays (une jupe en forme de cloche, une chemise et un foulard sur la tête).
Tout le monde reconnaît instantanément son visage. C’est celui de la grande actrice Anila Bisha! Oui… mais ce n’est pas vraiment elle. Ce n’est que son visage et sa voix. Diella est le nouveau robot conversationnel chargé de répondre à toutes les questions de la population et de résoudre tous les problèmes sur le site. L’actrice n’a aucun contrôle sur elle.
Au fil des mois, les citoyens et les citoyennes s’habituent à Diella. Ses services sont appréciés. Tellement que le premier ministre du pays décide de lui donner une promotion. Il annonce que Diella deviendra ministre dans son gouvernement!
Elle aura le pouvoir de choisir les compagnies qui recevront des contrats pour construire un nouvel hôpital ou réparer une route, par exemple.
Elle aura donc le pouvoir de distribuer BEAUCOUP d’argent public!
Mais pourquoi donner cette responsabilité à un robot plutôt qu’à un humain? Devant les députés du parlement, le premier ministre s’explique. À son avis, cela permettra de régler le grave problème de la corruption dans le pays. Contrairement aux politiciens et politiciennes qui trop souvent favorisent leurs proches, Diella n’a pas de famille ni d’ami. Elle ne sera donc pas tenté de leur attribuer des contrats! Elle évaluera chaque proposition sans parti pris, et l’entreprise choisie sera celle qui mérite le plus de l’emporter.
L’explication du premier ministre ne convainc pas tout le monde. Huées dans la salle: BOOUUUUUUUU!!!!
Les députés de l’opposition ont plusieurs questions. Diella n’a peut-être pas d’amis à enrichir, mais elle prendra ses décisions à partir des informations qu’elle aura reçues. Qui lui fournira ces informations? Qui contrôle Diella et son algorithme, c’est-à-dire le système de calculs qui lui permet de prendre ses décisions?
Et c’est sans parler du fait que selon la loi, pour être ministre, il faut être citoyenne du pays. Et pour être citoyenne du pays, il faut d’abord être un humain en chair et en os!
Sa nomination est illégale, dénoncent les députés de l’opposition!
La parole est au premier ministre. Plutôt que de répondre, il allume un écran. Diella y apparaît. Ces accusations la rendent triste, dit-elle aux députés. Depuis des mois, elle a réglé les problèmes de centaines de milliers de citoyennes et citoyens sur le site web du gouvernement. Elle assure que le véritable danger pour le pays, ce ne sont pas les machines comme elle, mais les décisions prises par des humains malhonnêtes. Elle n’est peut-être qu’un robot, mais au moins, elle est honnête!
Les députés ne sont toujours pas convaincus. Si Diella était vraiment honnête, elle ne dirait pas qu’elle est «triste», puisqu’un robot ne peut pas ressentir d’émotions! N’est-elle donc qu’une marionnette du premier ministre? Finira-t-elle par donner des contrats à ses cousins à lui?
Diella sait répondre plus vite et mieux que les humains à bien des questions. Mais son apparition soulève beaucoup d’autres interrogations difficiles à répondre…
Cette histoire est bien vraie! En septembre, Diella, qui veut dire «Soleil» en albanais, a été nommée ministre des Marchés publics dans le gouvernement du premier ministre Edi Rama. Les partis d’opposition ont qualifié cette décision «d’anticonstitutionnelle», c’est-à-dire qu’elle contrevient aux lois les plus importantes du pays. Une cour de justice devra maintenant décider si Diella peut continuer à être ministre ou non.
Et toi, penses-tu que les robots sont plus fiables que les humains pour prendre des décisions justes et honnêtes?
Sources: TV5 Monde, Agence France-Presse, Tirana Post, Wikipedia, Citizens.al