
Il est une fois: Les jeunes qui ont transformé leur pays (en 3 jours)
Frédérick Lavoie, journaliste et auteur, aime fusionner journalisme et littérature. Laisse-le te raconter un véritable récit à la manière d’un conte. Parfois, la réalité surpasse l'imaginaire!
Il est une fois à notre époque, dans un petit pays montagneux d’Asie appelé le Népal, des jeunes qui en avaient ras-le-bol.
Ras-le-bol de leurs leaders politiques qui ne les écoutaient pas et volaient l’argent de l’État pour acheter des voitures de luxe à leurs enfants.
Ras-le-bol d’avoir de la difficulté à se trouver un emploi, au point de devoir quitter leur pays pour aller travailler à l’étranger, dans de mauvaises conditions et loin de leur famille.
Bref, ras-le-bol de sentir qu’ils n’avaient pas d’avenir.

Durant des mois, ces jeunes ont exprimé leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Des groupes se sont formés. Des amitiés aussi. Ces jeunes ont découvert la solidarité. Elles et ils n’étaient pas seuls à être en colère, à exiger moins de corruption, plus d’égalité et de justice.
Puis, un jour, le gouvernement a eu une mauvaise idée. Il a interdit la plupart des réseaux sociaux: Facebook, Whatsapp, Instagram, YouTube. Disparus. Pourquoi? Il reprochait aux grosses compagnies étrangères, propriétaires de ces réseaux, de laisser circuler de fausses nouvelles et autres rumeurs.
Ce n’était pas faux, mais ce n’était pas toute la vérité non plus.
Les leaders politiques savaient aussi que les jeunes utilisaient les réseaux sociaux pour les critiquer, pour exposer leurs mauvaises actions, et même leurs crimes. Ils voulaient les empêcher de continuer.
L’interdiction des réseaux sociaux s’est toutefois rapidement retournée contre eux. Car puisque les jeunes ne pouvaient plus échanger en ligne, ils et elles ont transporté leur colère du monde virtuel au monde réel.
Des manifestations ont été organisées. Des milliers de jeunes sont descendus dans les rues, avec des pancartes, des slogans et beaucoup de colère.
À ce moment-là, le gouvernement a commis une seconde erreur: plutôt que de chercher le dialogue, il a ordonné aux policiers de tirer sur les manifestants.
Plusieurs personnes ont été tuées. Et la colère des protestataires n’a fait qu’augmenter. Comme le niveau de violence. Des édifices gouvernementaux et les résidences de leaders politiques ont été vandalisés et pillés. Le Parlement du pays a été incendié.
Devant le mécontentement, le premier ministre et tout son gouvernement ont démissionné.
«Victoire!» se sont exclamés les jeunes. Mais avec beaucoup de prudence. Car ils ont vite compris que c’est à ce moment que le vrai travail difficile devait commencer.
Comment reconstruire non seulement des édifices, mais une vie politique saine dans le pays?
Pour imaginer la suite de leur monde, les jeunes sont retournés dans le monde virtuel. Des milliers de personnes se sont connectées sur un réseau social appelé Discord pour débattre de l’avenir. Par textos, vidéos, messages vocaux, appels et emojis, ils et elles ont partagé leur point de vue.
À travers ces débats, tout le monde était d’accord sur au moins une chose : pas question de redonner le pouvoir aux mêmes leaders corrompus.
Mais alors, qui pourrait diriger le pays? Les jeunes n’avaient pas d’expérience en la matière.
Au fil des échanges, cinq noms de personnes respectées ont été retenus.
Un vote en ligne a eu lieu. Une ancienne juge de la Cour suprême a été sélectionnée comme première ministre… sans même être au courant qu’elle était candidate!
Tout ce processus n’avait rien d’officiel. Mais c’était mieux que le chaos. L’armée, qui cherchait à rétablir l’ordre dans les rues, a donc reconnu le résultat du vote des jeunes. Heureusement, l’ancienne juge a aussi accepté de diriger un gouvernement durant quelques mois.
Et c’est ainsi qu’en 3 jours à peine, ces jeunes ont changé le destin de leur pays.
Est-ce que cette révolution aurait pu se passer sans violence? Un avenir meilleur peut-il naître des cendres d’un parlement brûlé? Ce sont des questions difficiles à répondre.
Les défis demeurent nombreux pour ces jeunes, comme pour les 30 millions de Népalaises et Népalais. Mais au moins, aujourd’hui, l’espoir d’un avenir plus juste est de nouveau permis. En ligne comme dans la rue.
Cette histoire est bien vraie! Le 4 septembre, le gouvernement du Népal a adopté une loi interdisant la plupart des réseaux sociaux. Dans les jours suivants, des manifestations ont éclaté dans le pays. Elles étaient menées par des jeunes de la Génération Z, c’est-à-dire nés à peu près entre 1997 et 2012. Après le départ du premier ministre K.P. Sharma Oli, des débats et un vote sur le réseau Discord ont permis «d’élire» Sushila Karki, 73 ans, comme nouvelle première ministre. Cette ancienne juge, connue pour avoir lutté sans relâche contre la corruption, a promis que de nouvelles (vraies) élections seraient tenues en mars prochain.
Sources: The New York Times, Al Jazeera, Agence France-Presse.