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Il est une fois: Brigitte, l'amie qui recharge les batteries
Frédérick Lavoie, journaliste et auteur, aime fusionner journalisme et littérature. Laisse-le te raconter un véritable récit à la manière d’un conte. Parfois, la réalité surpasse l'imaginaire!
Il est une fois à notre époque une dame qui rend chaque jour un service très simple à des gens qui en ont vraiment vraiment besoin: elle recharge gratuitement leurs téléphones cellulaires.
Cette dame s’appelle Brigitte. Et ces gens, ce sont des migrants, c’est-à-dire des personnes qui ont quitté leur pays natal pour fuir la violence ou la pauvreté à la recherche d’un meilleur endroit où vivre sur cette planète.
Tout a commencé il y a environ 30 ans quand un migrant assoiffé a sonné à la porte de Brigitte pour lui demander un verre d’eau. Elle lui en a donné un.
Brigitte n’était pas surprise de voir un migrant. Près de sa maison se trouvait un camp de tentes où dormaient des centaines d’entre eux, parfois depuis des semaines, des mois ou même des années. Ils venaient de différents pays mais s’étaient tous retrouvés dans cette ville côtière pour la même raison. Ils voulaient traverser la mer pour se rendre au pays de leur rêve, sur un bateau, ou en empruntant le long tunnel sous-marin qui relie les deux pays.
Selon les lois, ces migrants n’avaient pas le droit de camper là. Avec les papiers d’identité qu’ils possédaient, ils n’avaient pas non plus le droit d’entreprendre cette traversée. Ils avaient donc souvent des soucis avec la police, et aussi avec les habitants du coin.
Car plusieurs voisins de Brigitte n’aimaient pas voir autant de jeunes hommes étrangers dans leur quartier. Brigitte comprenait les peurs de ses voisins, mais pour elle, il était hors de question de ne pas aider les gens dans le besoin, migrants ou non, étrangers ou non.
Elle avait grandi dans une famille de 7 enfants avec des parents très généreux. Une année par exemple, ses parents avaient invité 3 petites filles d’une famille plus démunie à célébrer Noël avec eux. Et ces petites filles avaient reçu en cadeau exactement la même poupée que Brigitte et ses sœurs!
Après l’homme qui a demandé un verre d’eau, d’autres migrants sont venus sonner à la porte de Brigitte. Le mot s’était passé: dans cette maison bleue habite une dame qui aide les migrants.
Chaque jour, ils étaient plus nombreux, avec des demandes différentes. Brigitte faisait de son mieux pour les aider, mais elle avait très peu de temps pour se reposer.
Parfois, jusqu’à 50 personnes venaient sonner chez elle, à toute heure du jour ou de la nuit!
Brigitte a donc dû instaurer un horaire. Elle leur ouvrirait son garage à des heures fixes pour leur servir du café, du thé et parfois de la nourriture. Ils pourraient aussi utiliser son lavabo pour se brosser les dents, ou même pour se laver les cheveux.
Au fil du temps, une demande est devenue de plus en plus importante: tout le monde avait besoin de recharger son téléphone cellulaire.
Pour les migrants, un téléphone est un outil essentiel. Il leur sert à garder contact avec leur famille, à s’orienter sur les routes de pays étrangers, à savoir l’heure qu’il est, à chercher des informations… et aussi à se divertir! Car le temps peut être très long quand on rêve d’un avenir sans savoir comment il pourra devenir réalité.
Pour répondre à cette demande, Brigitte a fait installer 85 prises de courant dans son garage.
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Depuis, beau temps mauvais temps, ils sont des dizaines chaque matin à faire la file devant chez Brigitte pour lui remettre leur téléphone. Elle leur donne en échange un coupon numéroté, question d’éviter les mélanges d’appareils. Et quelques heures plus tard, ils viennent récupérer leur téléphone, maintenant chargé à 100%!
Et c’est ainsi que Brigitte est devenue «Mamie charge» pour des milliers de migrants. C’est le surnom qu’ils lui ont donné. Tous savent maintenant que s’ils passent par cette ville au cours de leur long et difficile périple vers un avenir meilleur, ils peuvent s’arrêter chez cette grand-maman au grand cœur. Elle rechargera non seulement leur téléphone et leur ventre, mais leur offrira aussi un peu de chaleur, de réconfort et de douceur. À condition de se présenter à l’heure!
Cette histoire est bien vraie! Brigitte Lips, 69 ans, habite à Calais, une ville du nord de la France. De nombreux migrants passent par ici dans l’espoir de traverser une étendue d’eau, appelée La Manche, pour rejoindre les côtes de l’Angleterre, à 50 kilomètres de là. Mamie charge ne prend jamais de vacances. Son objectif est que les gens adoptent un regard plus positif envers les migrants.
Source: AFP, France Culture, La Voix du Nord, La Capitale, Le Parisien, La Vie.