Parti à la guerre à 17 ans…il avait menti sur son âge !
À 17 ans, Delphis Cormier est parti combattre en Corée avec le 2e bataillon du Royal 22e Régiment, le régiment francophone des Forces canadiennes. Il te raconte son expérience.
La Liberté : Vous êtes parti en Corée, vous n’aviez que 17 ans…
Delphis Cormier : Je venais d’une famille très pauvre, j’avais perdu mon père à trois ans. Je me suis engagé dans l’armée et dans cette guerre sans connaître l’histoire politique de la Corée. En vérité, je n’étais même pas supposé y aller avant l’âge de 19 ans, mais j’avais menti sur mon âge!
LL : Quels souvenirs avez-vous de votre arrivée en Corée?
DC : J’ai d’abord rejoint la base militaire de Valcartier au Québec, puis nous avons pris le train pour Fort Lewis, dans l’État de Washington aux États-Unis.
L’entraînement a duré six mois. C’était très dur. Et puis le 4 avril 1951, on a pris le bateau de guerre. 27 jours de voyage sur la mer. Et ce n’était pas un bateau de croisière, croyez-moi!
LL : Vous êtes donc arrivé en Corée dans les tout premiers jours de mai 1951…
DC : C’est ça. Et de mai à septembre, on a avancé jusqu’au 38e parallèle, la ligne de démarcation entre les troupes de la Corée du Nord et celles de la Corée du Sud. Parfois en chemin, on rencontrait l’ennemi et on se battait. J’ai fait 12 mois sur place. Je suis rentré au Canada en avril 1952.
LL : Comment était la vie dans les tranchées?
Les tranchées sont des fossés qui sont creusés dans le sol par des soldats. Ils peuvent y circuler et attaquer l’ennemi de là. Cela leur permet de se cacher et d’échapper aux projectiles. Elles sont encore utilisées, notamment en Ukraine présentement.
DC : Tu creusais ta tranchée et puis tu restais dedans. Pas le droit de sortir. Si tu avais besoin de sortir, il fallait le faire de façon intelligente car l’ennemi observait. S’il te voyait, il y avait un risque qu’il revienne et qu’il te tire dessus.
On était deux par tranchée. Il y en a toujours un des deux qui faisait la garde pendant que l’autre se reposait, puis on se relayait.
Et on prenait une douche à peu près tous les trois mois. Les conditions étaient très dures.
LL : Et donc au printemps 1952, vous rentrez au Canada après une année de guerre…
DC : C’était difficile de reprendre une vie normale. J’ai décidé de rester dans les Forces canadiennes à mon retour. Mais je n’ai pas fait d’autre combat. En septembre 1953, j’ai été muté en Allemagne.
Puis en 1955, je suis rentré au Canada pour faire des manœuvres dans le Grand Nord canadien.
Après ça, j’ai pris un cours de parachutiste sur la base militaire de Rivers au Manitoba. Je me souviens qu’on allait sauter d’une tour de 75 mètres!
J’ai aussi été envoyé à Chypre pour six mois. Notre mission était d’observer pour s’assurer que l’Egypte n’envahisse pas cette île grecque. Et finalement, je suis retourné en Allemagne, pour trois ans. J’ai pris ma retraite des Forces canadiennes en 1975.
LL : Les vétérans de la guerre de Corée n’ont pas été officiellement reconnus par le Canada avant 1991…